Bernard Lewis et Henry Kissinger

Bienheureux est le chercheur de vérité qui s'aventure dans les méandres de l'histoire, car il s'engage dans une quête où les ombres du passé sont révélées par le flambeau de la raison.  Le sage  de notre époque, nous rappelle avec perspicacité que l'approche du problème de l'islam en tant que force politique exige une intelligence dénuée de haine en son commencement.

L'histoire, cette exploration des jours passés, est le domaine où les vivants sondent les existences éteintes. L'historien, maître bâtisseur de réalités historiques, façonne le passé à travers le prisme de sa réflexion et de son système d'interprétation. Cependant, aucune vérité historique n'est définitive ni absolue, car elle se plie aux volontés de celui qui tisse le fil du pouvoir.

Chaque pouvoir érige sa propre vérité, dissimulant des savoirs subordonnés qui justifient et fortifient sa légitimité. Ainsi, la tâche des chercheurs historiques se révèle être la quête de ces savoirs asservis, ces connaissances cachées, oubliées, exclues ou intégrées dans la hiérarchie du savoir moderne, créées par les liens indissolubles entre savoir et pouvoir.

L'objectif éminent de ces recherches est de révéler la vérité comme le produit d'une histoire plutôt que comme un support préexistant. Ainsi, la connaissance ne repose plus sur un entendement originel, mais elle émerge des procédures historiques par lesquelles les discours de vérité transforment, aliènent et informent les sujets.

Dans cette quête, la déconstruction de l'écriture de l'histoire des valeurs se profile sous le signe des relations historiques entre société et vérité élaborée. La vérité, norme du savoir de chaque civilisation, évolue en tension perpétuelle avec la société, influençant l'écriture de l'histoire et tout système de valeurs.

L'Europe des Lumières, dans sa quête de vérité, ne peut échapper à cette réalité. À cet effet, il est impératif de lever le voile sur la généalogie des formes changeantes de la violence et de la répression, ainsi que sur les chroniques des concepts de moralité et de tolérance. Cela permettra de mettre à nu la division tragique entre Orient et Occident, cette frontière entre deux mondes entretenue par l'histoire.

L'Orient, non seulement voisin de l'Europe, mais également source de ses plus vastes colonies et de ses civilisations, se révèle être le miroir dans lequel l'Occident forge son identité. L'Occident, en se démarquant de cet Orient perçu comme irréalisable, renforce sa propre rationalité.

Face à ce clivage, des faux prophètes émergent, annonçant un inévitable choc des civilisations. Ces prédicateurs du malheur sont en disharmonie avec le vivre-ensemble des peuples. Leur existence vise à perpétuer l'hégémonie d'une élite sans foi ni loi qui dirige le destin du monde. 

Tel Judas, ils auraient pu être des saints, mais leur crépuscule semble inévitable. Aucun moment de l'histoire n'est une fatalité, et ces faux prophètes sont des artisans du mal que la sagesse rejette.

Khaled Boulaziz